Voici un fait divers réel qui s’est passé lorsque j’étais enfant c'est à dire .... il y a très longtemps !!! (A.R)
GOUPILLON VOLE!
A CANAJA, hameau de CAMPILE, la chapelle est ouverte deux fois par an pour fêter le Saint Nom de Jésus en Janvier et le Sacré Cœur en Juin.
Notre curé y assure le service puis est invité à partager le repas de fête avec d’autres personnalités de la commune chez les C... notables du village. Il y est traité avec les égards dus à sa qualité, on l’écoute car il a des connaissances, cite, en latin, quelques sentences opportunes, est drôle comme tout un chacun à la fin d’un bon repas et s’apprête, après une sieste réparatrice, à poursuivre les cérémonies de l’après-midi.
L’après-midi c’est la présentation du Saint Sacrement. Le chantre entonne le « Tantum Ergo » et le « Salutaris » suivis de la bénédiction des fidèles prêts à partir en procession à travers le village.
Dans un geste large, digne d’un pape, Monsieur le Curé plonge le goupillon dans la vasque que lui tend l’enfant de chœur et se dispose à les asperger. Alors que le saint objet s’élève au dessus de sa tête, la boule contenant l’eau bénite se détache, roule sur le carrelage, franchit le portail et continue son chemin sur la route. Des chiens qui attendaient patiemment la fin de l’office pour retrouver leur maître, s’élancent à sa poursuite en aboyant. Emoi dans la foule, les âmes bien pensantes crient au sacrilège, les hommes restés sur place s’amusent du spectacle, la boule, vide de son eau, est enfin récupérée, revissée sur son support et tout rentre dans l’ordre.
Pas vraiment car, en y regardant bien, on se rend compte que le goupillon facétieux n’est pas celui qu’une dévote paroissienne avait offert à la chapelle quelques mois auparavant. Qu’est-il donc devenu ? La question trouble le bedeau de l’église paroissiale qui s’avère être l’auteur de la substitution. Le brave homme avait estimé que la chapelle du village pouvait très bien s’accommoder d’un goupillon défectueux alors que l’église paroissiale où la messe était dite tous les jours et les bénédictions plus fréquentes qu’ici ne pouvait se passer de cet accessoire rutilant et en bon état. Pris de remord il finit par avouer sa forfaiture mais négocie sa restitution sous promesse de prêt les jours de fêtes carillonnées ou pour la prochaine visite pastorale de Monseigneur l’Evêque.
La paix est revenue.
L’aspersoir ne sert plus car le nouveau curé transporte le sien, carrossé comme un stylo « Mont-Blanc », avec tous les accessoires de messe, dans une jolie sacoche en cuir … qu’une généreuse paroissienne lui a offert !!!
De "goupil", le nom médiéval du renard, car il était garni d'une queue de renard. Petit bâton de bois ou de métal garni de poils rudes ou d'une boule percée qui sert pour prendre de l'eau bénite et pour la jeter sur les objets qu'on bénit.
Il aspergea d’eau bénite le corps et le cercueil sur lequel il traça la forme d’une croix avec son goupillon. — Théophile Gautier, La Morte amoureuse, 1836