CES RECITS RELATENT L HISTOIRE DES COMBATS DE BARCHETTA-CAMPILE A QUELQUES JOURS DE LA LIBERATION DE LA CORSE EN SEPTEMBRE 1943
- source / Arch. Dép. Corse du Sud (registre matricule) — Hélène Chaubin, La Corse à l’épreuve de la guerre, Vendémiaire, 2015, p. 285.— Archives privées de la famille Choury ( CDRom Libération. Canton de Campile, période du 6 au 20 septembre 1943). — Général Gambiez, La Libération de la Corse, Hachette 1973. — Site internet : Orsu Ghjuvanni Caporossi, Cronica di a Corsica, les morts de 1939-1945. —Memorial GenWeb.
Avant les ultimes combats qui auront lieu sur les hauteurs de la ville de Bastia, aux cols de Teghjme et San Stefano, la partie se joue plus au sud par où arrivent les troupes allemandes, dans l’aire formée au sud d’un périmètre délimité par la R.N. venant de Corte et celle venant de Porto-Vecchio, toutes deux se rejoignant à Casamozza.
La région a été le théâtre de durs combats en ce mois septembre 1943, à Campo Piano( Champlan ) et à Barchetta-Campile.
Les combats de Barchetta-Campile par
1-Dominique Leonelli, le responsable des patriotes de Campile, relate dans le détail l’activité de son groupe.
2-Paul Conte-Devolx, un militaire, fait le récit de la libération à partir des messages qu’il reçoit au standard téléphonique d’Ajaccio, transformé en véritable PC.
2-Maurice Choury relate les faits dans son livre « Tous bandits d’honneur » à partir du compte-rendu de Léonelli (qui ne pouvait être que partiel) qu’il complète par d’autres informations recueillies ultérieurement.
L’addition et le recoupement de ces trois sources donnent une vue assez détaillée des combats de la Libération Barchetta.
ACTIVITÉ DES PATRIOTES DU CANTON DE CAMPILE .
Compte-rendu de l’activité des patriotes du canton de Campile pendant la journée du 8 au 20 septembre par Dominique Leonelli, directeur d’école.
« Au moment de la capitulation italienne les patriotes de Campile se trouvent désarmés
· Journée du 9. Des armes (25 mitraillettes et 2 F.M.) sont perçues à Porri.
· Le contact est établi avec les troupes italiennes stationnées dans la région.
· Mais elles refusent de céder les armes et d’attaquer les Allemands.
· Au contraire, elles renforcent les Allemands cantonnés à l’usine de Barchetta et les informent d’une attaque possible de la part des patriotes de Campile.
· De nouvelles troupes italiennes (5 camions chargés de chemises noires) viennent se réfugier à l’usine et forment avec les Allemands un véritable camp retranché.
·
· Journée du 10. Toutes les sorties de l’usine de Barchetta sont obstruées et gardées par des armes automatiques.
· Impossible d’agir.
·
· Journée du 11. Les Italiens quittent l’usine de Barchetta.
· Le responsable militaire du canton de Campile rencontre celui de Campitello en vue d’une action concentrée sur Barchetta mais n’arrive pas à le convaincre d’agir rapidement.
· A la suite du coup de main de Champlan (commencé le 10 septembre) on nous signale de Casabianca (canton de La Porta) une infiltration allemande vers le col de Saint Antoine.
· Nous obstruons la route que nous gardons et après reconnaissance nous constatons qu’aucun élément ennemi ne se trouve dans la région.
·
· Journée du 12. Les Italiens demandent à prendre contact et dans la nuit du 11 au 12, vers 2 heures du matin je rencontre un capitaine italien au col de Saint Antoine. Les Italiens nous demandent de surveiller et d’obstruer les routes qui conduisent au col de Saint Antoine. La route de l’Agonizza (qui va de Barchetta au col de Saint Antoine) est coupée par les patriotes de Monte qui gardent la coupure. La route de Barchetta à Campile est minée en deux points, des obstructions préparées et gardées. Nous demandons à les appuyer.
· Journée du 13. Au petit jour, les Italiens s’infiltrent le long de la route nationale de Ponte Novo à Barchetta et avec les patriotes prennent un premier dépôt de vivres, non défendu, situé près de la gare de Barchetta.
· Les troupes italiennes refusent de pénétrer à l’intérieur de l’usine qu’ils croient minée.
· Les patriotes reconnaissent les abords de l’usine et vers midi passent à l’action.
· Ils font irruption dans l’usine à coups de grenades et de mitraillettes.
· Les Allemands abandonnent les pièces et se réfugient au sous-sol où ils sont poursuivis.
· Quelques uns arrivent à s’échapper (dont un repris à Olmo) et sept autres se rendent.
· Nous sommes maîtres du dépôt de vivres que nous devons défendre des Italiens et que nous commençons à enlever au plus vite après avoir fait appel à tous les cantons environnants pour nous aider dans cette tâche.
· Les prisonniers, dont un blessé sont conduits à Campile et soignés. Dans la même journée, le dispositif italien a cédé à Casamozza et les Allemands s’infiltrent vers Barchetta par la rive droite du Golo. Le patriotes de Prunelli (di Casacconi) entrent immédiatement en action sur le flanc ennemi et lui infligent des pertes. Dans la nuit, une automitrailleuse allemande arrive à l’usine de Barchetta et nos hommes doivent se porter sur la rive droite du Golo (A la demande des Italiens, nous n’avions fait aucune obstruction sur la route qui va de Barchetta à Casamozza. Ceci explique en partie cette rapide percée allemande).
· Journée du 14. Au petit jour, les patriotes pénètrent à nouveau dans l’usine que les Allemands ont abandonnée et continuent à évacuer le dépôt.
· patriotes de Prunelli (di Casacconi) prennent contact avec les Allemands afin d’essayer de connaître leurs intentions.
· Elles sont claires. Le lendemain les Allemands vont attaquer en partant de Prunelli en direction de Barchetta, appuyés par une batterie d’artillerie, 4 automitrailleuses et 2 chars.
· Le commandement italien est immédiatement mis au courant de cette attaque mais tout en nous demandant de continuer à surveiller les routes menant au col de Saint Antoine, il ne paraît pas disposé à prendre des mesures énergiques pour l’enrayer.
·
· Journée du 15. Vers 15 heures, l’attaque allemande se produit.
· Les patriotes tirent tant qu’ils peuvent car ceux qui n’étaient qui (parmi eux) n’étaient pas nécessaires pour garder la route ont pris position sur la rive droite du Golo.
· Les chars allemands percent et brulent le maquis sur les deux versants du Golo.
· Fuite des Italiens.
· Les patriotes se replient et brusquement les Allemands arrivent à Campile, à 10 heures.
· Sur les conseils du responsable militaire de l’arrondissement nous cachons nos armes.
· Les Allemands reprennent les 9 prisonniers qui étaient entre nos mains et gardent toutes les sorties du village.
·
· Journées du 16 et 17. R.A.S.
·
· Journées du 18 et du 19. A Bisinchi, le colonel Valentini me demande de faire un coup de main le 20 à 3 heures sur la sortie est de Barchetta, mais il y a contre ordre et le coup de main n’a pas lieu.
En résumé. Les patriotes du canton de Campile ont enlevé seuls le dépôt de vivres de Barchetta. Ils ont travaillé le reste du temps en collaboration avec les Italiens.
Cette collaboration n’a pas donné tous les résultats qu’on pouvait espérer pour deux raisons principales :
1. De part et d’autre la confiance était limitée et les Italiens ne s’engageaient que très prudemment, trop prudemment même. Ils n’ont mis aucune arme à notre disposition
2.
3. Les patriotes se sont rendus compte qu’en suivant les directives du commandement italien, ils ne pouvaient s’opposer qu’inefficacement à la poussée des Allemands.
Après le combat la confiance des patriotes envers les Italiens a encore diminué et toute collaboration paraît désormais compromise.
Les patriotes du canton de Campile ont infligé des pertes à l’ennemi ;
ils lui ont fait des prisonniers, pris de l’armement et un dépôt de vivres sans subir eux-mêmes aucune perte, sans un blessé. »
Campile, le 23 septembre 1943
Les patriotes au maquis :
Filippi Charles Félix, facteur des PTT, marié 2 enfants. Au maquis depuis mai 1943
Graziani Charles Jean, gérant meunier huile, célibataire. Au maquis depuis mai 1943
Mattei François Marie, cultivateur, marié 2 enfants. Au maquis depuis mai 1943
Mariotti Marius, Cultivateur, célibataire. Au maquis depuis mai 1943.
Gherardi Albert, typographe, marié 2 enfants. Au maquis depuis mai 1943.
Bastiani Charles Paul, employé hôtel, célibataire. Au maquis depuis Juillet
Lorenzi Joseph Antoine, cultivateur, Veuf 1 enfant. Au maquis depuis Juillet
Bazzati Eugène, mécanicien M.M., marié 2 enfants. Au maquis depuis Juillet
De Bernardi Dominique, cultivateur, célibataire. Au maquis depuis Juillet
Natali Albert, cultivateur, célibataire. Au maquis depuis Juillet
Pasqualini Ferdinand, commerçant, marié 1 enfant. Au maquis depuis Juillet
Giustignani Pauline, ménagère, célibataire. Au maquis depuis début août
Léonelli Dominique, Directeur d'école, marié 1 enfant. Au maquis depuis Avril 1943
LEONELLI, responsable militaire du canton de Campile
Les combats de la vallée du Golo relatés par Paul Conte-Devolx,
Paul Conte Devolx était un attaché militaire qui se trouvait en poste à Ajaccio durant l’occupation. Aussitôt la capitulation italienne connue, il s’occupe de récupérer les armes qu’il avait dissimulées au moment de l’armistice, en 1940 et s’occupe, en compagnie de Maurice Choury et du Capitaine Manjot, du standard téléphonique qui est « au centre de la toile d’araignée » où arrivent et d’où partent les messages (400 environ) pour renseigner les patriotes et les troupes et coordonner leurs actions. De ces messages il a fait un récit des jours de la libération.
Le 14 septembre. Bataille de Barchetta, à 10 km en aval d Ponte-Nuovo. L’ennemi occupe le village, essaye de pousser plus avant mais est repoussé. Le colonel Valentini, ancien commandant de l’Ecole de Saint-Maixent, et commandant des volontaires du Golo, estime les forces armées allemandes à 500 hommes, 5 chars légers et 6 ou 8 canons de campagne. Les patriotes occupent des positions entre Ponte Nuovo et Barchetta où deux pièces italiennes de 75 sont placées en tir anti-chars.
Le 16 septembre. Les Italiens renforcent ce point d’une pièce de 105 de 18 calibres. 7 pièces semblables sont mises en batterie à Ponte-Leccia.
Le 18 septembre. Les Allemands se replient, soucieux de se rembarquer.
Ici encore, le personnel des PTT et la gendarmerie remplissent des missions de renseignements remarquables. La brigade de gendarmerie de Ponte-Leccia détache chaque jour des équipes à pied qui se rendent sur place et reviennent téléphoner du point le plus proche. Entre beaucoup d’autres, étudions un compte-rendu de mission particulièrement bien établi dont tous les détails sont explicites.
N° 298. 19 septembre. 18 heures 20. Ponte-Leccia. Gendarmerie.
1. L’Etat-major allemand se trouve sur la route entre Ponte-Nuovo et Barchetta, à 6 km de Ponte Nuovo
2. A Barchetta se trouve un Etat-major de bataillon commandant 3 compagnies : la première à Barchetta, sur la route ; La deuxième est à Bisinchi et Campile ; ma troisième est à Volpajola, aux environs de Campitello. Ces deux dernières compagnies enjambent donc le Golo
3. A Barchetta se trouvent quelques camions en réparation ou entretien.
4. Aucun char n’a été aperçu, ce qui n’exclut pas leur existence.
5. 4 mortiers d’infanterie de 100 mm sont sur la route de Barchetta, du côté de Campitello,à 1 km de Campitello.
6. Hier soir quelques engagements de patrouilles se sont produits entre Allemands et (Italiens et patriotes).
7. Le pont de Ponte Nuovo est impraticable au poids lourds. Il est praticable aux voitures légères.
Nous sommes au 19 septembre. De tous les points de surveillance nous sont parvenues des nouvelles indiquant que le matériel lourd allemand afflue vers Bastia et s’accumule en ville et sur les quais, prêt à être embarqué. Le gendarme en mission a poussé assez loin. Il n’a vu aucun char, alors que ceux-ci étaient présents tous les jours précédents. Si le renseignement se confirme, et il le sera, ces chars-là se sont retirés pour embarquement. Par ailleurs, le gendarme en mission commet une erreur sur le calibre des mortiers allemands. Il leur attribue un diamètre de 100 mm, alors que le calibre vrai est de 81 mm. Mais le renseignement conserve toute sa valeur.
De tels renseignements sont inestimables. Nous nous trouvions en faibles forces, sans aviation de reconnaissance, et voilà que grâce au dévouement de tels hommes, nos pauvres petits Etats-majors recevaient constamment, de façon presque instantanée, l’image même des évènements.
Paul Conte DEVOLX
Les combats de Barchetta Campile par Maurice Choury.
Dans la journée du 15, malgré le feu nourri des patriotes, les chars allemands passent. Ils mettront 4 heures pour atteindre Campile (Alt. 666 m.) Sur les deux rives du Golo, le maquis flambe. Les patriotes qui, au cours de ces combats ont perdu trois hommes.
Antonelli, Jean Dominati, Dominique Mariotti) se replient sur Binsinchi.
Le même jour, trois patriotes de Scolca[2], à quelques km au nord de Barchetta, sont faits prisonniers au cours d’un engagement à Lagani et fusillés le même jour à Barchetta.
Jean-Sébastien Battistini, Pierre-François Perfetti et le jeune Leon Rovelli, âgé de 18 ans.
4 jours plus tard, Jean Paolini, fait prisonnier, est également fusillé à Barchetta.
Le village de Vignale est bombardé par l’ennemi.
Le patriote Antoine Pina est tué. 8 victimes civiles : Charles Albertini, Angèle Albertini et ses enfants (Joseph, Marie et Antonia, un bébé de 2 jours), Jean Napoleoni, François Tomasini et Sébastienne Tomasini, réfugiés de Borgo.
Les 17 et 18 septembre, soixante patriotes de Lento tiennent les positions entre Ponte Nuovo et Barchetta.
Le groupe de Paul Orsoni s’empare de 3 camions de ravitaillement allemands qu’il ramène à Lento.
Le 21 septembre, un groupe de francs-tireurs de Rusio et Lano, sous les ordres du lieutenant Beovardi, s’amalgame au groupe du commandant Pietri, venu de Sartène, qui effectue une pointe dans les lignes ennemies dans la zone de Barchetta-Campitello.
Maurice CHOURY . Extrait de « Tous bandits d’honneur » . Ed. Piazzola. 2012.
Témoignage de Ange-Paul Giorgetti (92 ans): je sais par mes grands parents que notre maison avait été occupée par un PC de Cie Allemand. Mes grands parents expulsés se sont réfugiés à Casanile. Après le départ des allemands, le village fut "canardé" depuis les environs de Fontanone il y a eu un mort(Joseph Raffaelli) et un blessé (Baptistine), la mère de Jean Noel. Pendant ces tirs notre maison reçu un obus qui éclata dans la salle à manger après avoir traversé le mur..
Le récit des fusillés de Barchetta est exact, j'ai eu l'occasion d'en parler avec l'un des survivants Battistini.
- source / Arch. Dép. Corse du Sud (registre matricule) — Hélène Chaubin, La Corse à l’épreuve de la guerre, Vendémiaire, 2015, p. 285.— Archives privées de la famille Choury ( CDRom Libération. Canton de Campile, période du 6 au 20 septembre 1943). — Général Gambiez, La Libération de la Corse, Hachette 1973. — Site internet : Orsu Ghjuvanni Caporossi, Cronica di a Corsica, les morts de 1939-1945. —Memorial GenWeb.
Avant les ultimes combats qui auront lieu sur les hauteurs de la ville de Bastia, aux cols de Teghjme et San Stefano, la partie se joue plus au sud par où arrivent les troupes allemandes, dans l’aire formée au sud d’un périmètre délimité par la R.N. venant de Corte et celle venant de Porto-Vecchio, toutes deux se rejoignant à Casamozza.
La région a été le théâtre de durs combats en ce mois septembre 1943, à Campo Piano( Champlan ) et à Barchetta-Campile.
Les combats de Barchetta-Campile par
1-Dominique Leonelli, le responsable des patriotes de Campile, relate dans le détail l’activité de son groupe.
2-Paul Conte-Devolx, un militaire, fait le récit de la libération à partir des messages qu’il reçoit au standard téléphonique d’Ajaccio, transformé en véritable PC.
2-Maurice Choury relate les faits dans son livre « Tous bandits d’honneur » à partir du compte-rendu de Léonelli (qui ne pouvait être que partiel) qu’il complète par d’autres informations recueillies ultérieurement.
L’addition et le recoupement de ces trois sources donnent une vue assez détaillée des combats de la Libération Barchetta.
ACTIVITÉ DES PATRIOTES DU CANTON DE CAMPILE .
Compte-rendu de l’activité des patriotes du canton de Campile pendant la journée du 8 au 20 septembre par Dominique Leonelli, directeur d’école.
« Au moment de la capitulation italienne les patriotes de Campile se trouvent désarmés
· Journée du 9. Des armes (25 mitraillettes et 2 F.M.) sont perçues à Porri.
· Le contact est établi avec les troupes italiennes stationnées dans la région.
· Mais elles refusent de céder les armes et d’attaquer les Allemands.
· Au contraire, elles renforcent les Allemands cantonnés à l’usine de Barchetta et les informent d’une attaque possible de la part des patriotes de Campile.
· De nouvelles troupes italiennes (5 camions chargés de chemises noires) viennent se réfugier à l’usine et forment avec les Allemands un véritable camp retranché.
·
· Journée du 10. Toutes les sorties de l’usine de Barchetta sont obstruées et gardées par des armes automatiques.
· Impossible d’agir.
·
· Journée du 11. Les Italiens quittent l’usine de Barchetta.
· Le responsable militaire du canton de Campile rencontre celui de Campitello en vue d’une action concentrée sur Barchetta mais n’arrive pas à le convaincre d’agir rapidement.
· A la suite du coup de main de Champlan (commencé le 10 septembre) on nous signale de Casabianca (canton de La Porta) une infiltration allemande vers le col de Saint Antoine.
· Nous obstruons la route que nous gardons et après reconnaissance nous constatons qu’aucun élément ennemi ne se trouve dans la région.
·
· Journée du 12. Les Italiens demandent à prendre contact et dans la nuit du 11 au 12, vers 2 heures du matin je rencontre un capitaine italien au col de Saint Antoine. Les Italiens nous demandent de surveiller et d’obstruer les routes qui conduisent au col de Saint Antoine. La route de l’Agonizza (qui va de Barchetta au col de Saint Antoine) est coupée par les patriotes de Monte qui gardent la coupure. La route de Barchetta à Campile est minée en deux points, des obstructions préparées et gardées. Nous demandons à les appuyer.
· Journée du 13. Au petit jour, les Italiens s’infiltrent le long de la route nationale de Ponte Novo à Barchetta et avec les patriotes prennent un premier dépôt de vivres, non défendu, situé près de la gare de Barchetta.
· Les troupes italiennes refusent de pénétrer à l’intérieur de l’usine qu’ils croient minée.
· Les patriotes reconnaissent les abords de l’usine et vers midi passent à l’action.
· Ils font irruption dans l’usine à coups de grenades et de mitraillettes.
· Les Allemands abandonnent les pièces et se réfugient au sous-sol où ils sont poursuivis.
· Quelques uns arrivent à s’échapper (dont un repris à Olmo) et sept autres se rendent.
· Nous sommes maîtres du dépôt de vivres que nous devons défendre des Italiens et que nous commençons à enlever au plus vite après avoir fait appel à tous les cantons environnants pour nous aider dans cette tâche.
· Les prisonniers, dont un blessé sont conduits à Campile et soignés. Dans la même journée, le dispositif italien a cédé à Casamozza et les Allemands s’infiltrent vers Barchetta par la rive droite du Golo. Le patriotes de Prunelli (di Casacconi) entrent immédiatement en action sur le flanc ennemi et lui infligent des pertes. Dans la nuit, une automitrailleuse allemande arrive à l’usine de Barchetta et nos hommes doivent se porter sur la rive droite du Golo (A la demande des Italiens, nous n’avions fait aucune obstruction sur la route qui va de Barchetta à Casamozza. Ceci explique en partie cette rapide percée allemande).
· Journée du 14. Au petit jour, les patriotes pénètrent à nouveau dans l’usine que les Allemands ont abandonnée et continuent à évacuer le dépôt.
· patriotes de Prunelli (di Casacconi) prennent contact avec les Allemands afin d’essayer de connaître leurs intentions.
· Elles sont claires. Le lendemain les Allemands vont attaquer en partant de Prunelli en direction de Barchetta, appuyés par une batterie d’artillerie, 4 automitrailleuses et 2 chars.
· Le commandement italien est immédiatement mis au courant de cette attaque mais tout en nous demandant de continuer à surveiller les routes menant au col de Saint Antoine, il ne paraît pas disposé à prendre des mesures énergiques pour l’enrayer.
·
· Journée du 15. Vers 15 heures, l’attaque allemande se produit.
· Les patriotes tirent tant qu’ils peuvent car ceux qui n’étaient qui (parmi eux) n’étaient pas nécessaires pour garder la route ont pris position sur la rive droite du Golo.
· Les chars allemands percent et brulent le maquis sur les deux versants du Golo.
· Fuite des Italiens.
· Les patriotes se replient et brusquement les Allemands arrivent à Campile, à 10 heures.
· Sur les conseils du responsable militaire de l’arrondissement nous cachons nos armes.
· Les Allemands reprennent les 9 prisonniers qui étaient entre nos mains et gardent toutes les sorties du village.
·
· Journées du 16 et 17. R.A.S.
·
· Journées du 18 et du 19. A Bisinchi, le colonel Valentini me demande de faire un coup de main le 20 à 3 heures sur la sortie est de Barchetta, mais il y a contre ordre et le coup de main n’a pas lieu.
En résumé. Les patriotes du canton de Campile ont enlevé seuls le dépôt de vivres de Barchetta. Ils ont travaillé le reste du temps en collaboration avec les Italiens.
Cette collaboration n’a pas donné tous les résultats qu’on pouvait espérer pour deux raisons principales :
1. De part et d’autre la confiance était limitée et les Italiens ne s’engageaient que très prudemment, trop prudemment même. Ils n’ont mis aucune arme à notre disposition
2.
3. Les patriotes se sont rendus compte qu’en suivant les directives du commandement italien, ils ne pouvaient s’opposer qu’inefficacement à la poussée des Allemands.
Après le combat la confiance des patriotes envers les Italiens a encore diminué et toute collaboration paraît désormais compromise.
Les patriotes du canton de Campile ont infligé des pertes à l’ennemi ;
ils lui ont fait des prisonniers, pris de l’armement et un dépôt de vivres sans subir eux-mêmes aucune perte, sans un blessé. »
Campile, le 23 septembre 1943
Les patriotes au maquis :
Filippi Charles Félix, facteur des PTT, marié 2 enfants. Au maquis depuis mai 1943
Graziani Charles Jean, gérant meunier huile, célibataire. Au maquis depuis mai 1943
Mattei François Marie, cultivateur, marié 2 enfants. Au maquis depuis mai 1943
Mariotti Marius, Cultivateur, célibataire. Au maquis depuis mai 1943.
Gherardi Albert, typographe, marié 2 enfants. Au maquis depuis mai 1943.
Bastiani Charles Paul, employé hôtel, célibataire. Au maquis depuis Juillet
Lorenzi Joseph Antoine, cultivateur, Veuf 1 enfant. Au maquis depuis Juillet
Bazzati Eugène, mécanicien M.M., marié 2 enfants. Au maquis depuis Juillet
De Bernardi Dominique, cultivateur, célibataire. Au maquis depuis Juillet
Natali Albert, cultivateur, célibataire. Au maquis depuis Juillet
Pasqualini Ferdinand, commerçant, marié 1 enfant. Au maquis depuis Juillet
Giustignani Pauline, ménagère, célibataire. Au maquis depuis début août
Léonelli Dominique, Directeur d'école, marié 1 enfant. Au maquis depuis Avril 1943
LEONELLI, responsable militaire du canton de Campile
Les combats de la vallée du Golo relatés par Paul Conte-Devolx,
Paul Conte Devolx était un attaché militaire qui se trouvait en poste à Ajaccio durant l’occupation. Aussitôt la capitulation italienne connue, il s’occupe de récupérer les armes qu’il avait dissimulées au moment de l’armistice, en 1940 et s’occupe, en compagnie de Maurice Choury et du Capitaine Manjot, du standard téléphonique qui est « au centre de la toile d’araignée » où arrivent et d’où partent les messages (400 environ) pour renseigner les patriotes et les troupes et coordonner leurs actions. De ces messages il a fait un récit des jours de la libération.
Le 14 septembre. Bataille de Barchetta, à 10 km en aval d Ponte-Nuovo. L’ennemi occupe le village, essaye de pousser plus avant mais est repoussé. Le colonel Valentini, ancien commandant de l’Ecole de Saint-Maixent, et commandant des volontaires du Golo, estime les forces armées allemandes à 500 hommes, 5 chars légers et 6 ou 8 canons de campagne. Les patriotes occupent des positions entre Ponte Nuovo et Barchetta où deux pièces italiennes de 75 sont placées en tir anti-chars.
Le 16 septembre. Les Italiens renforcent ce point d’une pièce de 105 de 18 calibres. 7 pièces semblables sont mises en batterie à Ponte-Leccia.
Le 18 septembre. Les Allemands se replient, soucieux de se rembarquer.
Ici encore, le personnel des PTT et la gendarmerie remplissent des missions de renseignements remarquables. La brigade de gendarmerie de Ponte-Leccia détache chaque jour des équipes à pied qui se rendent sur place et reviennent téléphoner du point le plus proche. Entre beaucoup d’autres, étudions un compte-rendu de mission particulièrement bien établi dont tous les détails sont explicites.
N° 298. 19 septembre. 18 heures 20. Ponte-Leccia. Gendarmerie.
1. L’Etat-major allemand se trouve sur la route entre Ponte-Nuovo et Barchetta, à 6 km de Ponte Nuovo
2. A Barchetta se trouve un Etat-major de bataillon commandant 3 compagnies : la première à Barchetta, sur la route ; La deuxième est à Bisinchi et Campile ; ma troisième est à Volpajola, aux environs de Campitello. Ces deux dernières compagnies enjambent donc le Golo
3. A Barchetta se trouvent quelques camions en réparation ou entretien.
4. Aucun char n’a été aperçu, ce qui n’exclut pas leur existence.
5. 4 mortiers d’infanterie de 100 mm sont sur la route de Barchetta, du côté de Campitello,à 1 km de Campitello.
6. Hier soir quelques engagements de patrouilles se sont produits entre Allemands et (Italiens et patriotes).
7. Le pont de Ponte Nuovo est impraticable au poids lourds. Il est praticable aux voitures légères.
Nous sommes au 19 septembre. De tous les points de surveillance nous sont parvenues des nouvelles indiquant que le matériel lourd allemand afflue vers Bastia et s’accumule en ville et sur les quais, prêt à être embarqué. Le gendarme en mission a poussé assez loin. Il n’a vu aucun char, alors que ceux-ci étaient présents tous les jours précédents. Si le renseignement se confirme, et il le sera, ces chars-là se sont retirés pour embarquement. Par ailleurs, le gendarme en mission commet une erreur sur le calibre des mortiers allemands. Il leur attribue un diamètre de 100 mm, alors que le calibre vrai est de 81 mm. Mais le renseignement conserve toute sa valeur.
De tels renseignements sont inestimables. Nous nous trouvions en faibles forces, sans aviation de reconnaissance, et voilà que grâce au dévouement de tels hommes, nos pauvres petits Etats-majors recevaient constamment, de façon presque instantanée, l’image même des évènements.
Paul Conte DEVOLX
Les combats de Barchetta Campile par Maurice Choury.
Dans la journée du 15, malgré le feu nourri des patriotes, les chars allemands passent. Ils mettront 4 heures pour atteindre Campile (Alt. 666 m.) Sur les deux rives du Golo, le maquis flambe. Les patriotes qui, au cours de ces combats ont perdu trois hommes.
Antonelli, Jean Dominati, Dominique Mariotti) se replient sur Binsinchi.
Le même jour, trois patriotes de Scolca[2], à quelques km au nord de Barchetta, sont faits prisonniers au cours d’un engagement à Lagani et fusillés le même jour à Barchetta.
Jean-Sébastien Battistini, Pierre-François Perfetti et le jeune Leon Rovelli, âgé de 18 ans.
4 jours plus tard, Jean Paolini, fait prisonnier, est également fusillé à Barchetta.
Le village de Vignale est bombardé par l’ennemi.
Le patriote Antoine Pina est tué. 8 victimes civiles : Charles Albertini, Angèle Albertini et ses enfants (Joseph, Marie et Antonia, un bébé de 2 jours), Jean Napoleoni, François Tomasini et Sébastienne Tomasini, réfugiés de Borgo.
Les 17 et 18 septembre, soixante patriotes de Lento tiennent les positions entre Ponte Nuovo et Barchetta.
Le groupe de Paul Orsoni s’empare de 3 camions de ravitaillement allemands qu’il ramène à Lento.
Le 21 septembre, un groupe de francs-tireurs de Rusio et Lano, sous les ordres du lieutenant Beovardi, s’amalgame au groupe du commandant Pietri, venu de Sartène, qui effectue une pointe dans les lignes ennemies dans la zone de Barchetta-Campitello.
Maurice CHOURY . Extrait de « Tous bandits d’honneur » . Ed. Piazzola. 2012.
Témoignage de Ange-Paul Giorgetti (92 ans): je sais par mes grands parents que notre maison avait été occupée par un PC de Cie Allemand. Mes grands parents expulsés se sont réfugiés à Casanile. Après le départ des allemands, le village fut "canardé" depuis les environs de Fontanone il y a eu un mort(Joseph Raffaelli) et un blessé (Baptistine), la mère de Jean Noel. Pendant ces tirs notre maison reçu un obus qui éclata dans la salle à manger après avoir traversé le mur..
Le récit des fusillés de Barchetta est exact, j'ai eu l'occasion d'en parler avec l'un des survivants Battistini.