En Corse, la chasse a une place très importante dans la société, et plus particulièrement la chasse du sanglier (u cignale); la passion de cette chasse perdure depuis plus d'un siècle, et a été transmise de génération en génération.
Fut un temps où les hommes pratiquaient la chasse cueillette, le piégeage ce qui est qualifié aujourd’hui de braconnage, mais ces activités étaient de pratiques courantes et permettaient en ce temps de nourrir les familles. Puis vint la pratique collective de la chasse au sanglier, qui était à l’époque encore très rare ; de faibles populations de sangliers étaient présentes dans la région et seulement quelques spécimens, souvent de très belles tailles étaient aperçus de temps à autre. Abattre un sanglier était chose rare d'autant que le sanglier est un animal très rusé, sauvage, toujours méfiant, discret et prudent à la fois.
Les années passent et les populations de sangliers commencent à croître légèrement. Le chasseur-cueillette a pratiquement disparu et les conditions de vie s’améliorent. Le chasseur n'a pas oublié sa passion. La chasse au sanglier, les chiens corses, les « Cursini » qui sont habituellement utilisés comme chiens de bergers vont commencer à avoir un tout autre rôle, celui de chien de chasse.
Mais chasser seul avec ses chiens n’est qu'une fin en soi. Aussi les battues organisées collectivement par les sociétés de chasse animent cette activité. Ce n'est pas seulement de tuer la bête qui importe, c'est que cette mise à mort permet d'établir des liens, des partages et des échanges. Les tableaux de chasse des premières années, de 1945 à 1970 sont faibles avec environ 10 à 20 sangliers abattus sur une saison, mais chacun prend du plaisir à participer aux battues, écouter les chiens ou simplement voir un sanglier, le tir d’un animal, réussi ou non, reste une finalité dans l’acte de chasse, qui rendra la journée encore plus réussie ; Il se raconte des histoires de chasse....heureuse ou malheureuse ! La chasse met l'homme en contact avec la nature sauvage. En ce sens elle aiguise des savoirs subtils, exige des comportements conformes à des normes morales et sociales. Elle renvoie aussi l'image de la mort à laquelle l'homme est confrontée. D'ailleurs dans les traditions magiques et religieuses de la Corse le " mazzeru" est un chasseur magique et sa victime un sanglier. Dans les récits imaginaires le chasseur est souvent le héros privilégié.
Plus tard dans les années 1990, les populations de sangliers ont littéralement explosé et les tableaux atteignent alors des sommets avec 50, 60 et même 70 sangliers du 15 Août au 31 janvier. Cette forte augmentation est due en grande partie aux bonnes conditions climatiques et aux saisons des pluies convenables qui permettent de bonnes glandées et la production de beaucoup de fruits ( châtaignes ) les laies élèvent alors beaucoup plus de sangliers, mais cette évolution de la population sanglier est aussi conjointe au fait que les éleveurs de cochons laissent leurs animaux en liberté, ce qui aboutit à certains malheureux croisements.
La battue au sanglier est une organisation. Au lever du jour les hommes se rassemblent et quittent le village puis parvenus sur les lieux chacun va prendre son poste. Les uns font les voix (facenu e voci) lâchent les chiens pour débusquer et rabattre le sanglier vers des postes où les chasseurs se tiennent à l'affût.
Lorsque la battue est fructueuse et dès que la bête est abattue, elle est castrée. En effet les testicules contiennent une substance qui donnerait un mauvais goût à la chair et la rendrait immangeable. Découpée, elle est ensuite partagée entre tous les chasseurs. Les parts ne sont pas toutes de qualité égale. A qui reviendront les meilleurs morceaux ? C'est le sort qui décidera. Traditionnellement avant de se disperser ils prennent un repas en commun et mangent « a curadella ».
Voilà qui occasionne le fait de se retrouver entre hommes pour boire, manger et parler librement...bien qu'aujourd'hui quelques femmes de plus en plus participent aux battues et c'est heureux.
Photo d'archive prise sur la placette di u casone à Canghja
au premier rang de gauche à droite: Paul Vinturini, Joseph Raffaelli, Félix-Antoine Giorgetti
au deuxième rang de gauche à droite: Jean-Augustin Raffaelli, Charles Pasqualini
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